l’odeur de l’iode

De bon matin, où le brouillard suit la route de Chaillevette, petit port ostréicole sur les bords de la Seudre….
Direction la Cabane, pour une journée d’emballage.
Il s’agit d’emballer un produit qui se retrouvera sur la plupart de nos tables de fêtes : les huîtres !


Pour qu’elles soient sur les tables du 24 ou du 25 il faut minutieusement les préparer pour qu’enfin elles soient expédiées chez vos commerçants ou chez les particuliers… Dans cette cabane, les huîtres sont sorties de l’eau 5 jours avant le réveillon : elles vont garder ainsi toute leur fraîcheur (les huîtres sont généralement emballées plus d’une semaine avant d’être commercialisées, mais dans une petite structure comme celle-ci, on bichonne beaucoup ces nobles produits…)

Une journée de « fête » comme on appelle ça dans la région ostréicole, se prépare bien à l’avance.

Dès les premières commandes reçues, on prépare les huîtres…On les sort des claires où elles sont affinées (ce qui va leur donner cette qualité et l’appellation ‘fines de claires’ ou ‘spéciales de claires’) puis on les place dans des dégorgeoirs et enfin dans des mannes en fonction leur calibre.

Une fois toutes les commandes comptabilisées, on attend le jour venu afin de préparer les différents postes de travail, on vérifie le matériel (surtout la cercleuse) et on prépare les cageots en peuplier avec leurs étiquettes sanitaires, la catégorie de l’huître et le nom du client.

On place les palettes pour préparer l’expédition, et on y va.

Dans les cabanes ce sont généralement les hommes qui se chargent de la préparation des huîtres : il faut les sortir de l’eau, les laver, etc.… Les femmes se retrouvent principalement au tri et à l’emballage. Une personne est également chargée du cerclage et de disposer les colis sur les palettes.

La journée passe très vite. Il y a bien sûr des moments de repos où les gens se retrouvent autour d’une table improvisée dans la cabane, d’un feu de cheminée pour réchauffer les mains glacées, du pineau des Charentes pour réchauffer le corps.

Un bon p’tit repas est servi à tous, vous vous en doutez les huîtres sont les reines de ce menu !

On les mange nature la plupart du temps avec du pain au beurre demi-sel, du graton. Mais on peut aussi innover et les proposer chaude au pineau s’il en reste, avec du fromage de chèvre directement dans la braise !

Bien entendu le repas passe très vite, mais l’iode ingurgitée redonne la force nécessaire pour redémarrer jusqu’au soir (des commandes peuvent arriver à n’importe quel moment…).

Il y a aussi parfois des moments de tension par exemple lorsque cette (satanée !) cercleuse tombe en panne. Heureusement on peut compter sur les voisins de cabane et l’entraide vient à bout de ces petits ennuis ponctuels.

Et puis tout le monde se remet au travail.

Le bruit de la cabane au moment des fêtes, c’est le bruit des huîtres qui s’entrechoquent, c’est le bruit du Feuillard qui vient fixer le couvercle du cageot, c’est le bruit des comptes : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.

En effet pour emballer les huîtres, on en prends 5 dans les mains en écoutant bien qu’aucune huître n’émette un son creux ( ce qui voudrait dire qu’elle est vide) puis on les place dans le cageot et on énonce 1 et 2 et 3,  jusqu’à 10 quand on fait un colis de 50 et jusqu’à 20 pour un colis de 100.



Mais ce qui caractérise pour moi une journée d’emballage pendant cette période des fêtes, c’est l’odeur… En effet l’humidité, le jus des huîtres, le peuplier des cageots, la chaleur de la cercleuse. Cela donne une odeur unique. Et c’est pour moi, ce même souvenir d’enfance qui revient chaque année à la même période.

Une fois les huiîres triées, emballés et prêtes à l’envoi, on les place dans le camion, suivant les destinations de la route. Les dernières livrées au fond et les premières livrées sur le devant.

Il faut bien connaitre sa géographie sous peine de devoir décharger toute la marchandise pendant le trajet…

Conclusion, pour faire de bonnes fêtes, il faut de bonnes huîtres (les pousses en claire restent pour moi le top) mais aussi de bons ostréiculteurs ! Les pousses en claire Marennes Oléron, aujourd’hui IGP, étaient celles que l’on se réservait autrefois pour la consommation personnel au moment des fêtes. On les laissait dans les claires plusieurs mois pour qu’elles profitent et s’engraissent de tout le bon plancton qui se trouvent dans les claires (qui sont d’anciens marais salants).

Aujourd’hui,  la charte qualité Marennes Oléron apporte la garantie d’une huître unique au goût disponible à la vente.

Les ostréiculteurs placent aussi des crevettes impériales dans les claires des pousses. Ces crevettes qui grossissent du printemps jusqu’à la fin de l’été, en grattant la vase pour chasser apportent une alimentation importante et enrichissante aux huîtres.

Quand la nature fait bien les choses, on peut dans un même endroit naturel élever deux produits incomparables et d’une très haute qualité.
ET puis on en parle…: on parle de plus en plus d’huîtres triploïdes ou bien comme dans le Capital de ce dimanche 18, de ‘super huitres’.

La maladie qui décime la plupart des petites huitres de moins d’un an, a obligé les éleveurs à se tourner vers d’autres espèces comme ces fameuses triploïdes. A moins que ce ne soit cette espèce justement qui n’ait provoqué cette maladie ?.

On ne sait pas en fait d’où vient ce gros problème. Je vous donne une astuce pour reconnaitre une huître triploïde : il suffit de regarder la partie pointue de l’huître opposée à l’arrondi. Si la coquille forme une sorte de bec qui se relève vers le haut : vous êtes certainement en contact avec ces super huitres !

Pour ma part je préfère qu’il y ait peut être moins d’huîtres toute l’année, mais que la nature reprenne ses droits et qu’elle nous gâte ‘naturellement’ de belles huîtres pendant les fêtes.

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